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December 5
A la sortie de la seconde guerre mondiale, le Canada était devenu un exemple pour bien des personnes dans le monde. Une nation moderne, progressiste, manifestement capable de mettre la raison d'état en veilleuse lorsque de grandes causes étaient en jeu. C'était le Canada généreux de Lester B. Pearson, le Canada qui a fasciné le jeune homme que j'étais à l'époque, au point d'y faire ma vie. Il y avait des contingents de Casques Bleus canadiens là où il en avait besoin. Il y avait de l'aide canadienne là où elle était nécessaire, et pas seulement pour faire tourner les usines canadiennes. Le Canada pouvait parler haut et fort et il était écouté et le passeport canadien était la pièce d'identité la plus recherchée de la planète.

Depuis l'arrivée du gouvernement Harper, un gouvernement qui n'a jamais pu prétendre représenter la majorité des Canadiens, je vois l'héritage de cette époque dilapidé en pure perte. Nous sommes devenus aux yeux du monde et à nos propres yeux, un autre état tribal, préoccupé surtout de son intérêt matériel immédiat au détriment d'une vision à plus long terme. Qui plus est, ce gouvernement prétend nous imposer sa vision étroitement religieuse de ce que sont le Bien et le Mal alors que c'est l'âme même du Canada qu'il est en train de perdre. Plus personne n'écoute la voix du Canada. De la position influente de conscience des États-Unis, nous sommes devenus leur valet. Le résultat ne s'est pas fait attendre: ils nous méprisent maintenant ouvertement. Et avec raison. Les Nations-Unies nous sont maintenant hostiles, une chose jamais vue à ce jour, alors que nous en étions un des piliers.

Mais c'est au plan interne que les dommages sont les plus grands. Que l'on soit souverainiste ou fédéraliste, on ne peut que constater l'écart grandissant entre les politiques fédérales et les désirs des Québécois, et pas seulement des francophones du Québec. Lorsque les visions sont aussi diamétralement opposées sur nombre de dossiers, que ce soit le registre des armes à feu, le système correctionnel, les droits des femmes (dont l'avortement), la mort dans la dignité, la laïcité de l'état, l'écologie, le développement durable, le réchauffement climatique, etc. il devient évident qu'il y a maintenant un risque certain que même les fédéralistes se demandent: « Mais que faisons-nous dans ce pays qui nous impose la négation de ce qui nous partagions avec bien d'autres Canadiens? »

Cette décadence a sa racine dans les pratiques du gouvernement Harper, lequel continue d'utiliser les leviers du pouvoir accordés à un gouvernement minoritaire pour orienter le Canada dans une direction que les Canadiens réprouvent. D'une démocratie ouverte, notre système gouvernemental glisse insensiblement vers une forme de dictature élective, ou les leviers du pouvoirs sont rassemblée dans une seule main, celle du Premier Ministre, et où les processus de décision sont rendus opaques par l'utilisation systématique de mesures dilatoires ou même carrément de censure.

Je crois que les Canadiens et surtout les Québécois doivent réaliser que cette attitude du gouvernement Harper ne changera pas sans une pression de la part des citoyens. L'initiative « Réclamons notre Canada démocratique » est dans cette direction. Je lui souhaite le succès.

Michel Virard, Montréal